Je m’éloigne du bistro en flammes. Le sang coule toujours de l’endroit ou Vince à arracher mon oreille. Quand je pense qu’il la manger. Qu’il a tué Manon. Qu’il a voulu que je la mange. Je l’ai tué. Je me retiens de vomir. Je dois vraiment manger quelque chose. Me remplir l’estomac. Me changer les idées.
« Bonne idée, Rody. »
Qui a dit ça? Je regarde autour de moi. Je suis tout seul. Je continue de marcher et je m’arrête devant l’enseigne de la Taverne d’Hildred, un resto-taverne à l’ancienne. Au deuxième étage de l’immeuble du resto-taverne se trouve une boutique de vêtements, Chez Percival. Je ne connaissais pas ces endroits. Autant mieux mangé à la Taverne d’Hildred.
Dès que j’entre, une femme vient m’accueillir.
« Bonsoir et bienvenue dans mon établissement. Êtes-vous accompagné? »
« Non. »
« Oui. »
« Je vois. Vous êtes notre seul client alors vous pouvez vous assoir où vous voulez. Notre serveur va vous amener notre menu. »
« Merci. » Dis-je à la femme. « Mais j’ai juste besoin d’un encas, quelque chose à manger rapidement. »
« Oh! Dans ce cas, je peux vous offrir un pâté à la viande à emporter. »
« Excellent! J’en prends deux. Combien? »
« 3€ chacun. »
« C’est trop bas, comme prix. »
« Parfait! »
Je donne 6€ à la femme. Elle s’éloigne et un homme arrive. Je les entends parler entre eux, même s’il me reste qu’une oreille.
« Un client? »
« Oui, mon chéri. Il veut deux pâtés à la viande. »
« Alors ne le fais pas attendre. »
Ils s’embrassent et la femme va me chercher les pâtés. Elle me les apporte dans un sac.
« Merci, Madame. »
« Hildred. » Elle me dit. « J’espère que mon mari Percival ne vous a pas troublé. »
Elle me pointe l’homme auquel elle avait parlé tout à l’heure.
« Non, pas du tout! »
Soudain, je crois entendre la voix d’un homme soupirer. Une voix ressemblant à celle de Vince, mais c’est impossible.
« Bien. J’espère vous revoir. Bonne soirée. »
Je dis au revoir à Hildred et je quitte le resto-taverne. Je trouve cela étrange qu’elle n’a pas commenté ma blessure, mais qu’importe.
En marchant vers mon appartement, j’ouvre le sac. L’odeur des pâtés à la viande excite mes papilles. Sans réfléchir, j’en prends un et je mords à pleines dents.
C’était chaud et je me brûle la langue, mais je m’en moque. C’est trop bon! Je prends un autre bouché, une autre, et une autre. En moins de cinq minutes, j’ai mangé les deux pâtés à la viande. Mon estomac est rempli et une jubilation remplit mon cerveau. Je ne pense plus à Vince, à Manon, au bistro en flammes.
J’arrive devant mon appartement. J’ouvre ma porte et j’entre chez moi. Mon bonheur allait durer éternellement jusqu’à ce que je me regarde dans le miroir tout en me brossant les dents. J’avais pansé ma blessure avant. Au début, je voyais mon visage, puis je vois Vince. Je sursaute.
« Rody. »
« NON! »
Je me jette dans mon fauteuil et je ferme mes yeux.
« Rody. »
« TAIS-TOI! »
C’est impossible. Vince est mort. Je vais dormir, me réveiller demain, et tout va bien aller.
« Écoute-moi. »
« NON! »
Je tente de m’endormir.
« Les pâtés de tout à l’heure. »
Je l’ignore.
« Ils sont comme Manon. »
Je dois l’ignorer. Il n’est pas réel.
« Je te le jure, comme je t’aime! Ils sont faits de chair humaine, comme ta chère Manon. »
Mais je ne peux pas ignorer ça. J’ouvre mes yeux. Je ne vois personne.
« Vince? Tu es là? »
« Oui. »
Sa voix semble être dans ma tête.
« D’accord. Je t’ai tué… »
« …et je t’hante maintenant. Pas par choix. »
Je soupire. Je pense devenir fou.
« Non. Tu n’es pas fou. Ce couple, Hildred et Percival, cependant… »
« Parle pour toi! T’as tué Manon! »
« Peut-être, mais eux, ils servent de *la viande humaine* à leurs clients. Moi, au moins, je… »
« …puis je te rappelle que tu as voulu me manger! Tu dis *m’aimer*? Mon Dieu, Vince, tu es vraiment malade! »
« Malade d’amour peut-être. Rody, je… »
« NON! Je ne veux rien savoir! »
« Mais je t’aim… »
« NON! Je veux dormir maintenant. »
J’entends la voix de Vince soupirer.
« Très bien, mais que va-t-on faire pour le couple ‘cannibale’? »
« Que veux-tu dire? Ce n’est pas à moi de les arrêter! »
Cela est vrai. Je veux juste vivre une vie normale. Loin des morts et du cannibalisme. Ce n’est pas ce que Vince pense. Il pense que c’est notre devoir de les arrêter. Il croit sans doute que je vais apprendre à l’aimer et/ou tomber amoureux de lui. Cela ne va jamais arriver.
Après avoir repoussé ses arguments, je me couche. Le jour suivent, après que Vince ai insisté au point de me donner une migraine, je retourne à la Taverne d’Hildred.
« Bonjour! » Dis Hildred en me voyant. « Malheureusement, nos tables sont pleines en ce moment. »
« J’ai remarqué. Je me demandais si vous auriez besoin d’un serveur de plus. »
« Eh bien… »
« Mens! Enfin… »
« J’ai perdu mon précédent emploi et je serai bientôt sans un sou, à la rue et je suis désespéré! »
« Sois, je vous engage! Un serveur de plus est toujours pratique. »
« OUI! »
« Merci, Patronne! »
« ‘Patronne’? Vous ne perdez pas de temps, alors. Comment dois-je vous appeler? »
« Rody, Rody Lamoree. »
C’est ainsi que je deviens serveur à la Taverne d’Hildred, comme le voulait Vince. C’était la partie un de son plan pour arrêter le couple. La partie deux est de trouver des preuves sur leur « viande » et la partie trois est de contacter la police.
« Cela ne va pas être facile. Hildred est pratiquement tout le temps dans la cuisine et il n’y a qu’un corridor pour y aller. »
« Je sais. »
« Quant à son mari, Percival, c’est lui qui doit commettre les meurtres à sa boutique au deuxième étage puis jeter les cadavres directement en bas, à la cuisine. C’est ingénieux. »
« Ne dis pas ça! »
« Je suis désolé, mais nous allons trouver un moyen ensemble, mon Rody. »
Je grogne doucement. Vince a commencé rapidement cette fâcheuse habitude de dire « mon Rody », comme si je lui appartenais, comme si nous étions en couple. Je lui ai dit d’arrêter, mais en vain.